Poésie : Le grand paysage
LE GRAND PAYSAGE
Et ceci sera le dernier des grands paysages. Sous la plaine, ce ciel encombré de semis, ce grand ciel de lumière, couleur des anges ; un immense champ de blé à linfini, rouge dexaltation ! Il fait mes céréales et surtout mes desserts de son lait bouillonnant à une source fraîche, claire dextase ! Le flot tumultueux des grottes saccélère, sinstalle : mon champ de blé en est le roi. Le roi ! Mon cher blé rouge, cest la vie ! Mon blé rouge, cest immortel ! Cest nu, cest neutre, cest parfait ! Et surtout cest si beau Un champ de blé rouge, cest un enfant ! Cest une splendeur qui ne sexplique ni par du souffre, ni par la violence des beautés qui sopposent ! Cest un choc, titanesque ! Et ces arbres roses, mauves, violets, là-bas, sur le bas-côté, ces carcasses livides, ne se sont placées là que pour le resplendir ! Et ces maigres vautours, décharnés, et chargés du pêché, vous croyez quils nont pas choqué ? Vous êtes bien innocent Je sais bien que nous sommes dans un conte de fée.
Les grottes sont encore inexplorées, on y trouve des peintures assez sauvages pour être belles. Jy retrace ma main et la peins de couleurs. Des couleurs ! Des couleurs pures, nues, presque vierges, abjectes de sincérité et de talent. « Et quelques douceurs par ci, et », non, non ! Non ! De la sincérité, franche et brute, dure et mâle, surtout, pas de Marie Laurencin, avec ses roses estropiés ! De la vraie peinture !
Mes cordes de guitare en velours sont enceinte ; je veux parler bien sûr des cordes de ce ciel ! Il pleut des hallebardes deau dorée et bien tiède, et pour lutter contre cette vertu quon voudrait instaurer, je lutte à ma façon, opiniâtre et sacré : je vénère la nature généreuse et franche, y compris les champignons empoisonnés quelle dépose à mes pieds. Je lutte contre les systèmes, bien sûr, mais aussi contre les hommes qui voit dans la vérité lébauche de lordre. Je mexplique : je débauche une âme, et pour eux, elle est bien menacée. Suis-je bête ? Je ne suis pas pasteur, ni même prêtre, je suis chaman. Je leurs fait peur, les prononcés ! Dans les trous de mon crâne roues de métal et tourbillons dacier je mélange toutes les saveurs et les délices à connaître, parjure, et, quitte à me méconnaître, je parcoure à la lettre le chemin de la vérité
Jai le blues du chercheur dor,
Je suis doux de métier,
Somnifère,
Jendors.
extrait de "Crachats et braises"