Poésie : Logis du diable

Publié le par Pivot

Logis du diable

  

J’ai taillé des prairies sur la rampe du diable. Alors que son logis était peuplé de fées légères, il me semblait qu’une autre scène devait être atteinte. A table, où l’on avait posé les fèves du destin, nos bouches goûtaient des viandes étrangères. Les couverts étaient de corail, d’algue et de jade salie par les condiments qui saupoudraient nos verbes. Il était difficile de se servir dans ces plats décorés : les couverts étaient des faucilles, des marteaux ; le serveur était Mao, on le reconnaissait d’ailleurs au crachoir qui nous servait de verre commun : on était bien dans le logis du diable. La hampe d’un drapeau déchiqueté reposait sous nos pieds : nous foulions les armes d’un très ancien empire.

Pris soudain d’une colique compromettante, j’ai porté mon corps dans une salle de bain miraculeuse : à peine y étais-je entré que tous mes maux de ventre étaient guéris. Il coulait de la baignoire – et des ses robinets d’argent – une eau très profonde et très noire.  Des coquillages apparaissaient soudain et agressaient les baigneurs. Sur ce lac sombre, nul canard de celluloïd mais des nymphes hâtives et blêmes, probablement victimes de la pollution sous-marine. L’état-major français y avait établi son quartier général : des sous-marins croisaient sans cesse les pélicans. La grotte était de nuit illuminée des mêmes lumières que le Paris pour innocents : tout y brillait de ses feux roses.

Plus loin encore, dans les falaises creusées, des fauteurs de trouble brûlaient.

Encore un peu plus loin, au fond du long couloir arrogant qui tanguait, des couleurs cuivrées bien que roses impressionnaient la rétine au point de la faire sombrer dans la force rouge et le délire cru : à la fin du poème, le diable apparaissait.

 

extrait d'"Un Loup noir absolu dans nos pauvres maisons"

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